Découvrir l’œuvre de Jacques Roux, ce n’est pas seulement se pencher sur l’un des derniers chapitres d’un courant esthétique souvent appelé Expressionisme existentiel et dont les différentes occurrences n’ont eu de cesse de jalonner le siècle dernier mais c’est surtout redécouvrir certains aspects inattendus, à la fois fragments et composants, d’un large courant de retour à la figuration emblématique de l’art occidental de la fin du XXe siècle.
Aussi, si Art Research Paris a décidé de consacrer sa première vente à l’artiste palois, c’est que son œuvre, à l’image du peintre, se tient depuis trop longtemps aux confins d’une histoire de l’art trop lisse, trop linéaire et par certains aspects terriblement attendue. Présenter ces grandes compositions nous permet, au contraire, de constater que les années 1980 constituèrent en France un formidable creuset esthétique. Un creuset, dans lequel les œuvres de nombreux artistes de la période, souhaitant rompre avec un certain formalisme - héritage de la rigueur de l’art conceptuel dominant la décennie précédente, ne peuvent aujourd’hui que constituer les jalons d’une nouvelle histoire de l’art.
A une époque, où les images ne pouvaient qu’être imprimables et que l’appropriation de modèles culturels tenait encore du sport du combat, la peinture de Jacques Roux occupe donc une place singulière reposant tant sur une approche particulièrement personnelle de la pratique picturale que sur une solide assise culturelle. Ces images qui, au-delà du premier regard apparaissent bien plus complexes que leur premier aspect semble ne le laisser présager, demeurent, en effet, les fruits de la recomposition d’un réel fantasmé par l’artiste et de leur mise en scène au travers d’un double filtre composé tour à tour de symboliques culturelles et personnelles. Aussi, si certains ont pu reprocher à l’œuvre du peintre palois, son caractère par certains aspects trop intime, il ne faut pas oublier que l’artiste et l’œuvre, duo intimement mêlé, sont non seulement le fruit d’une époque mais la résultante d’un processus de sélection et de recomposition d’images par l’artiste. C’est justement dans ce double processus de fabrication et d’appropriation de savoirs, de modèles, d’allégories, de lieux de mémoire que le panthéon de l’artiste, composée de figures tutélaires d’une hétérogénéité qui n’est plus à démontrer, rajoute à la densification des images. Tant les paysages du graveur Rodolphe Bresdin que certaines affiches réalisées par la Family Dog ou encore le lettrisme d’Isidore Isou constituent parmi les éléments les plus tangibles du vocabulaire artistique de Jacques Roux, tant ceux-ci sont détournés, affrontés et assimilés en vue de la constitution d’un nouveau langage esthétique. Un langage extrêmement personnel, régit par ses propres lois mais dépassant surtout le simple cadre de l’appropriation culturel. C’est de ce métalangage que naît l’œuvre de Jacques Roux, une œuvre dense, riche, sensible mais surtout intellectuelle et personnelle.